Nous voulons vous donner des nouvelles du projet de La Croisée des Chemins et vous inviter à prendre part, si cela vous dit, à la suite de l’aventure.
Cet article est long ! Pour y voir plus clair, en voici le sommaire :
- Le défi des relations humaines (crise de l’école et rebond)
- Pérenniser l’école, un défi économique (pourquoi nous quittons nos locaux cet été)
- Voulez-vous contribuer à la suite ? (propositions pour un passage de relais)
Le défi des relations humaines
L’école a connu une crise l’été dernier.
Elle a été déclenchée par un conflit avec plusieurs membres de l’équipe (bénévole ou salarié) qui avaient rejoint l’équipe entre 3 mois et 2 ans plus tôt. Nous avons fait tout notre possible pour rétablir le dialogue, notamment en faisant intervenir une médiatrice externe. Vivre l’expérience des conflits de façon constructive fait partie des fondements du travail dans une école démocratique. Cette fois, il n’a pas été possible de construire de solutions communes, et l’ensemble des membres de l’équipe a finalement décidé en juillet de quitter le projet pour d’autre horizons.
Nous avons beaucoup appris de cette expérience.
Notamment, il nous est apparu irréaliste et néfaste de fixer comme norme relationnelle dans le travail en équipe l’utilisation de la Communication NonViolente (CNV) : avec les meilleures intentions, cela met en place un standard très exigent qui devient finalement un obstacle à une communication authentique, particulièrement en cas de tensions. Dans un contexte économique induisant des changements tous les ans dans l’équipe et une bonne part de bénévolat, la maîtrise de ces compétences par toute une équipe est un idéal hors de portée, qui de plus suscite des attentes démesurées envers les responsables de l’école. Nous avons tiré les leçons de cette impasse en rédigeant une nouvelle charte relationnelle qui ne requiert pas de compétences spécifiques, simplement une reconnaissance de principe de sa responsabilité personnelle et une prise de conscience de certaines attitudes utilisées fréquemment, qui sont des obstacles à la communication. L’annonce de recrutement publiée cet été inclut cette charte et nous avons pu tester en septembre son introduction auprès de 3 nouvelles personnes nous rejoignant, à la satisfaction de tous. Dans ce sens, Fleur a mis au point une approche pédagogique simple et ludique pour favoriser la communication directe, qui a également été appréciée par les participantes à la récente formation sur la gestion de conflits (3 samedis en février). Pour en savoir plus
Et nous en faisons bénéficier d’autres.
Plus largement, nous sommes désormais beaucoup plus lucides sur les processus personnels et collectifs qui peuvent conduire des personnes de bonne volonté et partageant des valeurs communes à devenir des « ennemis ». Ces phénomènes sont très fréquents, dans les couples, les familles et parmi les organisations de travail, et pourtant on en parle peu. Vous vous demandez de quoi il s’agit ? Une petite vidéo tirée d’un film de fiction bien connu vous mettra sur la voie ! Si vous souhaitez une référence plus académique, voici le lien vers un article qui nous a beaucoup aidé. Nous avons partagé notre expérience au sein du mouvement des écoles démocratiques (EUDEC France). D’autres écoles ont vécu ou traversent actuellement des difficultés analogues, par exemple La Ferme des Enfants en Ardèche. Ces échanges nous ont incité à organiser une rencontre de 3 jours qui a eu lieu en février dans les locaux de l’école, sur le thème « prévenir et traverser les conflits dans les écoles démocratiques ». Avec 9 participant-e-s venant de toute la France (5 écoles + 1 projet), nous avons vécu 3 jours intenses et transformateurs.
Ces diverses expériences nous encouragent à mettre notre énergie en 2020 dans le développement de nouvelles activités de formation, accompagnement, intervention.
Pérenniser l’école, un défi économique
On ne s’est pas laissé abattre.
Le clivage vécu dans l’équipe a eu pour effet de saper la confiance de plusieurs parents envers l’école et de provoquer une rupture du dialogue avec nous. En conséquence, il n’y avait à la rentrée de septembre que 2 enfants (10 et 12 ans) inscrits à l’école. Nous avons décidé de poursuivre malgré tout, convaincus que les difficultés traversées ne mettaient pas en cause la valeur du projet. Nous sommes tous les 2 bénévoles (à plein temps) : Fleur en tant que coordinatrice pédagogique, Thomas en tant que directeur et responsable administratif de l’école. Gabriel est assistant facilitateur d’apprentissage, en Service Civique (grâce au soutien de notre interlocuteur à La Ligue de l’Enseignement). D’autres adultes sont venus pour des périodes de stage ou des immersions, et quelques personnes sont intervenantes bénévoles. Nous avons aussi le soutien de personnes extérieures : 2 membres du conseil d’Administration et plusieurs personnes disponibles pour nous apporter écoute et conseils.
Des démarches pour recruter de nouveaux étudiants.
L’ambiance à l’école est très bonne depuis septembre, les jeunes appréciant d’avoir l’école pour eux seuls… mais le compte en banque de l’association ne pouvait pas suivre très longtemps ! C’est pourquoi nous avons fait tout notre possible pour que d’autres les rejoignent en cours d’année : en publiant le nouveau site internet de l’école et un flyer, en faisant connaître l’école auprès de professionnels de santé travaillant avec les jeunes, en continuant les portes ouvertes et périodes de découverte. Deux autres adolescents (12 et 16 ans) les ont rejoint début janvier, dont un étudiant de l’école en 2018-19 qui avait ensuite choisi d’expérimenter le CNED à la maison. Un cinquième jeune est arrivé cette semaine pour une période de découverte et, si cela lui convient, pour terminer l’année scolaire parmi nous.
La patience est une qualité utile à tout éducateur.
Nous savons que l’éducation démocratique est un concept encore très nouveau et dérangeant en France, et que sa découverte puis son acceptation par le public va prendre du temps (aujourd’hui, la pédagogie Montessori ne fait plus peur). La multiplication des écoles aux quatre coins de la France contribue à en accroître la notoriété, au moins parmi les personnes en recherche d’alternatives dans le domaine de l’éducation. Nous nous demandons donc comment faire en sorte que ces écoles tiennent sur la durée, humainement et mais aussi économiquement.
Que disent les chiffres ?
Très concrètement, le loyer et les diverses dépenses pour l’utilisation de nos locaux actuels représentent 29 000 €. Le budget prévisionnel 2019-2020 comporte en tout 44 500 € de charges, alors que nous n’avons actuellement pas de salarié. Vu le faible nombre d’étudiants inscrits, nous ne pouvons payer nos charges que grâce à des dons exceptionnels de personnes proches qui nous soutiennent, pour un total de 20 000 €. A ce jour, nous prévoyons encore un déficit de 8 000 € environ au 30 juin. Toute forme de soutien financier est la bienvenue ! (particuliers, entreprises) Nous avons un diaporama d’information pour toute personne souhaitant en savoir plus : contactez-nous !
Céder le bail pour changer d’air.
Du fait de cette situation précaire, nous avons décidé de quitter en juillet 2020 les locaux de 185 m2 dans lesquels l’école a ouvert ses portes en 2014. La décision de ce départ a été prise par le C.A. de l’association en y voyant la possibilité d’un nouveau départ, dans la mesure où les locaux actuels ont été perçus au fil des années comme un obstacle au développement de l’école, à cause du manque d’espace extérieur. L’association ayant pris en charge les travaux d’aménagement aux normes d’un Établissement Recevant du Public d’un plateau loué brut, nous souhaitons trouver une société pour réaliser une cession du bail commercial. Des idées ? Contactez-nous !
Voulez-vous contribuer à la suite ?
Pourquoi il est temps pour nous de passer le relais
Fleur a commencé à travailler sur ce projet en février 2012 et Thomas en août 2013. Depuis cette date, nous avons à la fois assumé la responsabilité légale de l’association (comme présidente et trésorier) et de l’école (direction), ainsi que la mise en œuvre du projet au quotidien, avec la participation de toutes les personnes qui s’y sont jointes au fil du temps. Nous avons eu la chance de pouvoir nous y consacrer pleinement, en faisant le choix de vivre, pendant un temps, sur des ressources financières familiales, et aussi de s’appuyer sur celles-ci pour investir dans le projet. S’engager dans un projet innovant, créatif, au service du bien commun, a nourri notre besoin de donner du sens à nos existences et d’expérimenter de nouvelles voies, de façon concrète. Dès le départ, nous avions également l’ambition de développer des activités de formation et d’accompagnement, en complément de l’école. Cette partie du projet, restée jusqu’à présent secondaire par rapport à l’école, devient notre priorité à partir de l’été 2020. C’est pourquoi nous choisissons de ne pas être en première ligne dans un éventuel redémarrage de l’école dans un nouveau lieu. Nous sommes en revanche prêts à soutenir des personnes s’engageant dans ce sens et à les faire bénéficier de notre expérience. Nous acceptons aussi que cela n’aura peut-être pas lieu, ou pas dès septembre 2020.
Nos propositions
Pour les parents :
Notre expérience nous a montré qu’il était très difficile de trouver un équilibre si les mêmes personnes doivent à la fois faire fonctionner l’école au quotidien (sur les plans éducatif et administratif) et mettre en œuvre un effort de communication continu pour le recrutement de nouveaux élèves, la recherche de dons pour financer des bourses, la sensibilisation du public à son approche éducative, etc.
Par ailleurs, nous avons constaté que le projet de l’école tel que nous l’avons conçu et mis en œuvre suscite à la fois un attrait au niveau de ses principes, et des peurs au sujet de sa mise en œuvre concrète, empêchant de nombreux parents de concrétiser une inscription de leur enfant. Et pour certains jeunes, le fait d’arriver dans un groupe d’enfants et d’ados restreint (moins de 15) a représenté un frein à leur intégration dans l’école.
Ces divers constats, partagés avec les parents d’étudiants actuels, nous incitent à mettre les parents au cœur d’un possible projet de relance dans un nouveau lieu. Et d’inscrire cet engagement des parents dans une démarche citoyenne ouverte et reliée à la société qui nous entoure. Faire vivre une école alternative de façon pérenne ne peut reposer que sur des choix individuels ; cela ne peut pas être simplement un service à consommer comme un autre (économiquement, cela ne marche pas !). Cela prend son sens si on a conscience de contribuer ainsi à une transformation sociale, et d’accepter de vivre soi-même une certaine transformation personnelle (car nous avons tous été modelés par le système scolaire).
Cette démarche citoyenne vient de démarrer avec la création par les parents de Lucas d’un groupe de discussion sur Facebook, basé sur un texte commun : « Sortir du moule ! Un appel pour les enfants en souffrances scolaires dans la région de Dijon »
Nous imaginons que ce groupe permette de relier des parents concernés par la même problématique au niveau local ; et parmi ceux-là, que ceux qui éprouvent le besoin d’un établissement alternatif respectueux des besoins de leur enfant puissent se regrouper. Cela permettrait de constituer un groupe suffisant d’enfants/ados (20 minimum) pour vivre un projet commun de scolarité à partir de septembre 2020. Et d’abord, il s’agirait de permettre à ces parents de vivre eux-mêmes un processus démocratique de construction et de décision collective, afin que le nouveau projet d’école corresponde à leurs propres besoins et limites en tant que parents. Tout en restant sur les principes de base de l’éducation démocratique, il est possible d’inventer un projet particulier avec lequel les parents seront en confiance. Notre expérience nous permet d’accompagner ce type de processus, afin de converger vers des orientations pédagogiques portées par tous les membres d’un groupe. Ainsi, il sera plus facile de constituer une équipe dédiée à la mise en œuvre de ce projet, avec la sécurité offerte par un soutien clair des parents et des ressources financières prévisibles. La recherche d’un nouveau lieu plus favorable sera également facilitée, en s’appuyant sur un réseau élargi de contacts (nous avons déjà une piste).
La balle est dans votre camp ! A suivre sur le groupe « Sortir du moule ! Dijon« …
Et si vous n’habitez pas dans le coin, ni n’avez l’intention d’y déménager, pourquoi pas créer votre propre groupe local en vous inspirant du texte de notre appel ? Et tenez-nous au courant de la suite !
Pour celles et ceux qui aimeraient travailler dans cette école ou la soutenir :
Il est possible également de vous joindre au groupe ci-dessus et de participer à faire connaître cet appel. Comme expliqué plus haut, toute cette démarche vise à diminuer les efforts surhumains qui ont pu vous apparaître si vous vous projetiez tout-e seul-e dans la construction d’un projet d’école ex nihilo.
Si vous voulez apprendre à nos côtés, par l’expérience, vous êtes les bienvenus, pour une période d’immersion, de stage, et encore mieux pour participer bénévolement à la vie de l’école sur une période de 2 à 3 mois d’ici l’été. Pour en savoir plus
Dans la perspective où un groupe de parents parvienne à se constituer autour d’un projet commun, des compétences variées seront nécessaires pour le mettre en œuvre. Lors de l’année 2020-2021, nous aurons plaisir à transmettre le fruit de nos expériences, les divers outils que nous avons expérimentés depuis 2014, à des personnes prêtes à travailler en équipe et à prendre des responsabilités dans la relance de l’école.
Si les conditions sont réunies pour une reprise en septembre, il suffira d’effectuer une déclaration de changement de locaux au Rectorat. Thomas pourra si besoin conserver le rôle légal de direction, en déléguant tout ce qui suppose une implication dans le quotidien de l’école. Nous souhaitons aussi tous les deux transmettre les fonctions du bureau de l’association : en soi elles demandent peu de travail, mais elles sont incompatibles avec le fait pour nous de recevoir une rémunération pour des activités régulières de formation, d’intervention, d’accompagnement, facturées à nos client au nom de l’association.
Merci pour votre intérêt !
Thomas Marshall et Fleur Mathet