Grâce à cette école, j’ai dépassé ma timidité

Antoine * est arrivé à La Croisée des Chemins peu après son ouverture en 2014. Il avait alors 12 ans et sortait d’une classe de 6ème dans un collège classique, où il avait subi du harcèlement. Ses parents étaient inquiets de le voir complètement renfermé sur lui-même et démotivé par ses études. Après 4 années dans l’école démocratique, il s’est dirigé vers un Bac Pro Hôtellerie dans un lycée privé sous-contrat à Dijon. J’ai recueilli son témoignage à l’issue de son année de Seconde.

Ce témoignage met en exergue l’importance de développer aisance relationnelle et estime de soi pour s’affirmer et trouver sa place dans la société. Antoine n’a pas suivi le programme du Collège ni obtenu le Brevet, et pourtant il n’a eu aucune difficulté à être accepté dans cette formation. Ses parents ont été impressionnés par sa maturité et sa confiance lors de l’entretien d’admission avec le responsable. Ce dernier a été convaincu par la motivation exprimée par Antoine, qui a été ensuite confirmée, tant en cours que lors des stages en entreprise, par de très bonnes appréciations.

Est-ce que ça a été difficile pour toi d’aller dans ce lycée après avoir passé 4 ans à la Croisée des Chemins, au lieu d’être dans un collège classique ?

Tu demandes si c’est pas trop dur de se remettre dans la voie classique ? Ça allait, j’ai pas eu trop de mal, surtout que, au final, au début, ça commençait lentement, donc c’était pas dur de se remettre dans une école traditionnelle.

Donc quand tu as repris des cours réguliers dans ce lycée, la transition s’est faite assez simplement pour toi ?

Oui, ça allait.

Qu’est-ce qui t’a fait choisir d’aller dans cette section d’hôtellerie. Est-ce que c’est une décision que tu as prise à la Croisée des Chemins ou est-ce une décision de tes parents ?

C’est moi qui l’ai prise. Mes parents, ils sont ok où que j’aille. Au début, en fait, je n’étais pas absolument sûr de savoir où aller. Je voulais essayer plutôt dans l’hôtellerie, pas dans la restauration. Puis, au final, quand mes parents ont cherché, ils ont trouvé la porte ouverte de ce lycée. Ce n’était pas exactement ce que je voulais, mais j’ai fait une semaine d’essai et, du coup, j’ai apprécié et j’y suis allé l’année suivante.

Est-ce que tu dirais que, par rapport aux autres élèves qui sont dans ta classe cette année, les années que tu as passées à la Croisée des Chemins, tu as l’impression que ça t’a apporté des choses différentes que n’ont pas forcément les autres élèves ?

Oui. Disons, premièrement, ma maturité. Il y a des élèves qui sont aussi matures que moi dans ma classe mais très peu.

Et est-ce que tu vois des atouts pour toi qui te permettent de réussir dans cette formation, que tu aurais développés ici ?

Oui, la communication. Dans cette école, on apprend beaucoup la communication. L’école où je vais, c’est pour être serveur et il y a beaucoup de communication entre le serveur et les clients, et ça c’est une chose qui m’est utile. Avant je n’étais pas à l’aise pour parler aux gens, maintenant, ça va beaucoup mieux.

Est-ce que tu voudrais partager autre chose sur ce qu’a apporté ton expérience à la Croisée des Chemins dans ta vie en général ?

Ça a fait que mes parents aussi se sont intéressés à l’école et surtout pour ma mère, ça a complètement changé sa manière de vivre.

Sur l’éducation ça l’a fait évoluer ?

Premièrement oui, vu qu’elle est maitresse de maternelle, elle a adopté pour sa classe des méthodes différentes, comme la méthode Montessori. Oui, en général, elle en appris plus sur comment on apprenait par nous-même, en jouant, et ce genre de choses.

Est-ce que tu peux dire un mot sur ce qui a été difficile pour toi au collège dans le système scolaire classique, avant d’arriver à la Croisée des Chemins, ce qui a fait que tu as eu besoin à un moment donné, d’essayer un autre type d’école ?

Principalement parce que j’avais du mal à communiquer avec les autres. En fait, quelle que soit l’école où j’étais allé, il y avait soit un professeur, soit des élèves, avec qui je ne m’entendais pas. Il n’y avait jamais un endroit où j’appréciais les deux et ça posait problème. Ma mère avait entendu parler de cette école et elle m’a proposé d’essayer et c’est en essayant que j’ai vu que j’avais envie de continuer là-dedans.

Tu as pu trouver des solutions à ces difficultés de communication en étant à la Croisée des Chemins ?

C’est surtout que j’ai pris confiance en moi. C’est pas vraiment que j’ai trouvé des solutions. C’est pas de la technique.

C’est le fait d’avoir plus d’assurance ?

Oui, de pouvoir parler plus facilement, d’avoir moins de … je ne sais pas comment ça se dit, je m’arrête moins quand je parle.
Si j’ai envie de parler, je parle. Avant, si jamais je voulais parler, des fois je parlais pas pour différentes raisons, j’étais embarrassé, je sentais qu’il allait y avoir des problèmes si je parlais.

Un petit peu inhibé ? Ou anxieux, avec une forte timidité, on pourrait dire.

Oui, en parlant aux gens. Maintenant ça va beaucoup mieux.

Tu n’as plus cette peur de parler aux gens et que tu pourrais être un peu en échec pour te faire comprendre.

C’est que j’ai moins peur en fait, qu’il y ait un quelconque problème quand je parle aux gens, parce que je me dis que s’ils ne m’apprécient pas comme je suis, ben tant pis pour eux.

Tu sais ta valeur !

Oui, voilà. Si jamais ils ne m’apprécient pas, tant pis, je ne vais pas aller vers eux, je peux aller vers d’autres gens.

(*) Nous avons changé son prénom par respect de sa vie privée.


Pour aller plus loin

Isabelle Nazare-Aga pratique les thérapies cognitives et comportementales (TCC). Dans cet ouvrage, elle met en lumière les difficultés dans les relations sociales touchant une majorité de personnes en Europe comme en Amérique du Nord !
Ce qu’on appelle habituellement la timidité n’est pas un simple trait de caractère, c’est une forme d’anxiété acquise pendant l’enfance ou l’adolescence et qui continue à entraver les personnes, devenues adultes, dans leur vie personnelle et professionnelle. On peut en guérir, mais en général elle ne disparaît spontanément en grandissant, en tout cas dans le système scolaire classique…
Si cette anxiété s’aggrave, on parle alors de « phobie sociale » : il s’agit d’un trouble anxieux, défini en psychiatrie, qui concerne environ 10 % de la population.

Un autre ouvrage sur le sujet : La Peur des autres – Trac, timidité et phobie sociale – Christophe André et Patrick Légeron (2003)